Contribution de Breloque |
竜也の物語 |
Kazehiko-san médite dans le temple. Soudain, un coup de vent éteint toutes les bougies. Il se retrouve plongé dans le noir. Quelques bâtons d’encens pareils à des lucioles rompent l’obscurité.
La fragrance de métal rouillé caractéristique s’accompagne du raclement annonciateur de l’arrivée de Kakera.
Elle allume une bougie au pied de la statue de Kisshoten et clopine jusqu’au shugenja du Phoenix :
« La Grande Eau a besoin de vous. Elle est en danger. Où se trouve l’envoyée des Fortunes ? Elle devait m’aider. La Grande Eau est prisonnière. Je l’ai trouvée mais je ne peux m’en approcher. »
« La Grande Eau a trouvé refuge dans quelqu’un de ta tribu. Si la Grande Eau meurt, c’est la Terre qui meurt. »
« Mon temps est précieux.»
Kakera lâche la bougie et invite Isawa-san à le suivre.
Isawa-san conjure les kami des airs en un petit moineau de fumée pour à qui il chuchote un message. La petite chimère file à tire d’aile à toute allure.
Le gobelin de cuivre mène Isawa-san jusqu’à l’entrée du labyrinthe, une trappe sous le Temple. Le jeune shugenja hésite à enfreindre l’interdiction d’entrer dans le dédale. Puis il se décide à aller chercher son matériel au palais. Quelques minutes plus tard, Isawa-san referme la trappe derrière lui et son étrange guide.
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Le petit moineau vient délivrer son message à l’oreille de Kakita-sama avant de s’évanouir dans un tourbillon de volutes. Kakita-sama semble sceptique quant à la nature du message du jeune shugenja.
Les moines pansent les plaies de Daidoji-san ainsi que les quelques coupures que j’ai reçu dans l’échauffourée.
A la demande du jeune maître, j’accompagne Ayame-san pour rechercher le moine de Shiro Daidoji qui manque à l’appel. En vain.
Nous décidons que les moines viennent avec nous à Kenson Gakka, afin de ne pas les laisser sans défense. Il y a suffisamment de poneys pour tous.
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Nous arrivons en soirée à Kenson Gakka, où es braseros ont été allumés.
Une démonstration de shogi se déroule avec peu de public. Le festival continue mais tout semble forcé, comme par obligation.
Pendant un instant, Daidoji-san et Kakita-sama ressentent la détresse d’Isawa-san à travers le lien mystique qui unit les fragments du vide. Notre compagnon est cependant introuvable. Mais où est-il donc passé ? Son message indiquait que Kakera requérait notre aide, mais nous ne savons pas où il est parti.
Les moines sont déposés au Temple des Sept Fortunes pour qu’ils prient et de reposent.
Nous nous rendons ensuite au château pour quérir une audience auprès du daimyo.
Un serviteur apporte un message d’Isawa-san à Iuchi-san. C’est un plan, avec un emplacement indiqué par le symbole des trois gouttes des fragments du vide. Je reconnais là l’entrée du Labyrinthe sous la ville. Voilà donc où se trouve le téméraire samurai. Pourquoi diable est-il allé s’aventurer là-bas seul alors que nous savons le danger que cela représente ? Nous décidons d’aller lui prêter secours sitôt l’entrevue avec le daimyo terminée.
En présence du maître de la cité, Kakita-sama évoque le complot qui se joue en ville et demande un entretien privé afin de produire une preuve. Une fois un peu plus isolés, c’est là que Kakita-sama défait le nœud du paquet ensanglanté et révèle la tête grimée en Akodo Ikare.
Une fois passée la stupeur, Kakita-sama fini par convaincre Matsu-dono de la réalité du complot qui menace sa ville, sans toutefois révéler nos suspicions plus précises à l’égard du clan du Scorpion. Matsu-dono décrète la fin du Festival de la Tortue Humble. Il confie à son épouse Matsu Miko l’organisation de la défense de la cité.
Kakita-sama obtient l’autorisation du daimyo de pénétrer dans le Labyrinthe, qu’il dénonce comme étant un passage avec des traces d’activité récente, ce qui représente un risque important pour la sécurité de la ville. Le daimyo nous autorise aussi à porter armes et armures. Daidoji-san prend le temps d’enfiler la sienne.
Avant de partir sur les traces d’Isawa-san, je médite un peu pour réfléchir à toutes les informations que nous avons glanées jusqu’à présent. J’enlève le haut de mon kimono, m’assoit dans la posture adéquate et positionne mes mains en signe du brasier pour concentrer mon chi. J’inspire et j’expire lentement jusqu’à ce que mon souffle soit imperceptible. Je laisse mon esprit parcourir sa bibliothèque de connaissances pour dénicher et dépoussiérer les informations utiles.
Mes premières réflexions vont vers Kakera. Elle n’est pas une zokujin comme les autres, probablement une shugenja de sa race. La Grande Eau ne peut être qu’un kami. Peut-être celui de la rivière des Trois Rives d’ailleurs. Il est connu que les kamis peuvent parfois habiter le corps et le cœur des hommes. Ces hommes ou ces femmes sont dès lors animés d’un conflit intérieur. Je pense que c’est le cas de Noshin, puisque Kakera a senti l’odeur de la Grande Eau dans l’offrande qu’il a déposé aux pieds de Kisshoten à l’aube. De plus, cela expliquerait son nom qui signifie « Illumination ».
Je sens que la flamme de mon kiho s’épuise jusqu’à s’éteindre. Une fatigue insidieuse s’installe langoureusement dans mes muscles et dans ma tête. J’ai comme un poids sur la poitrine. Les prochaines heures vont être longues et il me tarde de trouver du repos. Car à brûler comme je l’ai fait le feu de l’esprit, il faut ensuite en payer le prix. Mais pas tout de suite, il nous faut retrouver Isawa-san au plus vite.
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Des lanternes éclairent nos pas dans les catacombes sous la cité.
Daidoji-san remarque sur les murs des inscriptions au fusain, une petite marque qui ressemble à trois gouttes. Isawa-san nous montre la voie. Sur la route, nous voyons des pièges il y a longtemps déclenchés, certains portant encore les stigmates de leur macabre forfait, comme ces squelettes empalés dans une fosse garnie d’épieux.
Les talents de pisteurs de Daidoji-san révèlent que les traces au sol sont celles de deux personnes : un homme et une femme.
Un avertissement paniqué résonne dans les couloirs : « C’est un piège ! Je suis l’appât ! »
Ce n’est autre que la voix de Kazhiko-san qui nous alerte. Daidjoji-san pose sa lanterne et s’avance discrètement, filant dans les ombres sans un bruit. A l’angle du couloir, elle aperçoit le shugenja du Phoenix. Kazehiko a plié un genou au sol, au seuil d’une pièce étrange. Il murmure une prière à un kami de l’eau qui bénit son flanc blessé. Nous le rejoignons. Il dit avoir été attaqué par une femme qui l’a laissé agoniser sur les pierres effectivement poissées de son sang. C’était sans compter sur ses puissants sortilèges de soins qui lui ont permis de se remettre sur pied. Mais le jeune homme est livide et je vois qu’il a contemplé un instant le regard de la mort.
Dans la pièce on aperçoit des tourbillons de poussière qui tournoient à grande vitesse. A n’en point douter un sort d’air. Au milieu de ce nuage, Noshin est là et semble complètement désorienté. De l’autre côté de la pièce, Kakera nous fait signe. Je suis à peine surpris de la voir en ce lieu.
Iuchi-san en appelle aux kamis de la terre pour lancer son sortilège de passe-muraille sur elle et Noshin. Elle traverse le tourbillon et rejoint le chef des moines sans crainte. Une odeur âcre de fumée se fait sentir par le tunnel que nous avons emprunté… On nous enfume comme de vulgaires taupes ! Isawa-san avait raison, c’est bel et bien un piège.
Iuchi-san attrappe Noshin et s’extirpe du piège pour rejoindre Kakera de l’autre côté de la pièce.
« Vous avez mis… du temps. » lui glisse malicieusement la petite créature. Le gobelin se prosterne devant Noshin qui s’assoit, groggy.
Isawa-san lance son kusarigama, un crochet à longue chaîne, de l’autre côté de la pièce afin que l’on traverse la pièce sans être désorientés par le sortilège.
Soudain, un éclair.
Par surprise, personne n’a vu venir une lame qui surgit des ombres et transperce Kakita-sama sous nos yeux horrifiés. Une fleur de sang s’épanouit sur sa poitrine. Mon cœur manque un battement à cette vue. Je constate que la lame a manqué le cœur.
C’est une main fantomatique qui semble tenir la lame et bouge à grande vitesse. Daidoji-san, tout en sang froid, est la première à réagir. Son geste est précis, et elle tranche la main de l’assassin. Le katana tombe en tintant sur la pierre nue, une main dextre encore accrochée à la poignée. Une silhouette se matérialise là où la bushi de la Grue a frappé. Une femme dans une longue robe noire apparaît. Son visage blafard évoque celui de Tonbo-Hiroe, mais il est tordu par la souffrance et la haine. Sa main gauche tient un wakizashi qui frappe avec fureur sans toutefois faire mouche. Je parviens à me ressaisir en lui saisissant le poignet et à le tordre en vue de le casser. Sa courte lame tombe au sol. Au moment où son poignet allait rompre, j’ai senti sa chair m’échapper et devenir comme immatérielle.
Daidoji-san, voulant sans doute laver son honneur de yojimbo, vise les jambes coupant un pan de sa robe noire. Notre ennemie lâche dans un soupir « Je suis votre ombre », puis recule dans les ténèbres. Je m’approche mais elle n’est déjà plus là, évanouie.
Isawa-san convoque un kami guérisseur sur Kakita-sama. Un tentacule aqueux sort de sa paume jusqu’à la plaie du jeune maître. Je suis impressionné par les talents du shugenja du Phoenix. Les kamis lui accordent décidément une grande puissance.
Une fois qu’elle a constaté que Kakita-sama est tiré d’affaire, Daidoji-san récupère le daisho de notre ennemi sur les dalles de pierres froides, afin de mener l’enquête ultérieurement. En tant que fils de forgeron, je sais qu’une lame a parfois beaucoup de chose à dire sur son maître.
Mais nous avons trop tardé. L’incendie est en train de nous rattraper.
La fumée s’épaissit de plus en plus, au point que nous commençons à tousser. Avec grand peine, nous traversons le nuage de poussière tourbillonnant en nous bouchant les oreilles et en nous accrochant à cette ligne de vie improvisée qu’est l’arme du shugenja. Isawa san est le dernier à passer, sa chaîne accrochée à la taille. Je le tire jusqu’à nous.
La fumée tourbillonne alors avec la poussière dans la salle, qui se remplit bien vite. Il est temps de lever le camp. Kakera nous guide dans les souterrains. Je prête mon épaule à Noshin pour l’aider à claudiquer.
Nous empruntons les méandres du labyrinthe pour arriver jusqu’à une porte. Voilà enfin notre échappatoire.
Nous nous asseyons en seiza avec Kakera pour deviser avec elle une dernière avant de nous séparer.
Elle nous apprend que ceux qui ont reconstruit les tunnels portaient des masques. Ils viennent de loin, par-delà la Grande Eau. Elle habite vers la Grande Eau, à la confluence. Plus d’ambiguïté possible : le Scorpion semble bien déterminé à reprendre Kenson Gakka. Je souhaite au Lion de ne pas avoir pris à la légère les avertissements du Shikken.
Isawa-san lance quelques derniers sorts de soins jusqu’à l’épuisement.
Le tunnel est bloqué par une paroi qui se révèle être le dos d’une armoire dans une pièce de la garnison. Nous sortons donc nez à nez avec trois soldats du Lion. Ceux-ci s’inclinent face à Kakita-sama.
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Kakita souhaite rencontrer de nouveau le daimyo pour livrer quelques informations concernant nos dernières explorations dans les souterrains. Selon le daimyo, l’excuse fournie par les émissaires du Scorpion pour leur attaque est la vengeance du massacre des moines de Yaruki Jukko par Akodo Ikare. Lors de cette entrevue, Matsu-dono sait jouer sur la corde sensible de Kakita-sama afin de le convaincre de rester à ses côtés dans la bataille à venir.
Pendant ce temps, nous rejoignons les moines et méditions pour patienter jusqu’au retour du jeune maître.
Je regrette que Kakita-sama ait accepté la requête du daimyo. Il met en danger la vie des moines en les laissant ainsi entre les griffes du Lion acculé. Qu’il est aisé de se laisser duper lorsqu’on agite devant notre nez le chiffon de l’honneur. J’ai moi aussi été un jeune bushi impétueux. Sûrement aurais-je du accompagner Kakita-sama pour mieux le conseiller. Je décide à ce moment précis qu’il me faut apprendre suffisamment le jeu des courtisans pour ne plus laisser sans aide le fils de Genkaku face aux ruses des puissants. La sagesse à laquelle j’aspire et la force de mon jiujutsu sont inutiles dans ce genre d’escarmouches.
Avant d’exécuter les ordres du daimyo et de nous rendre à Shiro no Meiyo avec les moines sous notre protection, Isawa-san nous fait l’honneur de diriger une cérémonie du thé dans le Temple des Sept Fortunes. Décidément, ce jeune homme est plein de ressources. Il me fait parfois penser à mes fils.
Nous prenons nos quartiers dans l’ancienne forteresse.
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Un incendie se déclare dans la partie nord de la cité. Comme prévu, des unités d’invasion assaillent la citadelle de l’intérieur. Une heure passe. Les portes de la ville tombent. Depuis les meurtrières, Daidoji-san aperçoit les soldats du Scorpion qui mettent la ville à feu et à sang. La porte de la garnison tombe à son tour.
Tout cela était prévisible. La suite logique est l’assaut final sur Shiro-no-Meiyo, une défense héroïque et la mort des derniers défenseurs du Lion.
Daidoji-san refuse que cela se termine ainsi. Kakita-sama lui a commandé d’organiser leur défense. Elle décide de le faire d’une manière… inattendue. D’abord, elle se faufile dans les rangs ennemis. Elle aperçoit le général ennemi sur la place d’armes, à l’extérieur. Elle s’adresse à un officier pour lui dire que l’envoyé de l’Empereur souhaite que les moines sous sa céleste bénédiction puissent sortir vivant de cette bataille. Interloqué, l’officier le mène à un plus haut-gradé, qui le mène à son tour jusqu’à Bayushi Kaseru, le général de l’armée.
L’assaut est interrompu. Un messager du Scorpion est envoyé pour proposer des pourparlers avec le daimyo, ainsi que le Shikken. Je suis présent quand le messager délivre son message et je cache ma surprise quand je reconnais la silhouette de Daidoji-san, incognito avec son masque caractéristique des membres du clan du Scorpion.
Un peu plus tard, les deux délégations se font face sur la place d’armes. Le général Scorpion fait le premier pas. Ce dernier me fait bonne impression : courtois et posé, alors qu’il se situe pourtant dans une situation embarrassante. Matsu-dono, le daimyo Lion, a quant à lui perdu tout sang-froid. Il insulte sans vergogne son adversaire du jour. Kakita-sama se pose en médiateur et affirme que les deux clans au service de l’Empereur ont été trompés par des malandrins. Sans révéler les preuves de l’implication Scorpion que nous avons collecté au cours de nos investigations, Kakita-sama propose une porte de sortie honorable aux deux clans majeurs. Le shikken est remercié par Bayushi-sama. Matsu-dono acquiesce de mauvaise grâce.
Ainsi se termine la bataille de Kenson Gakka dans la nuit du 19ème jour du mois du Singe de l’an 1120. La paix de l’Empereur a prévalu.
Un peu plus tard, peu avant sa désertion des rangs Scorpion, Daidoji-san entend la voix du général Bayushi murmurer à ses hommes « Préparez la cérémonie. » Il accomplira son suicide rituel, le seppuku, avant les premiers rayons du soleil.
Daidoji-san déserte discrètement pour nous rejoindre.
Je m’incline et lui dis toute mon admiration pour l’audace dont elle a fait preuve. Elle a sauvé notre jeune maître d’une mort presque certaine. Je mesure que j’avais méjugé ce que signifiait vraiment le rôle de yojimbo.
Notre mission achevée, nous prenons la route quelques heures plus tard, au lever du jour. En chemin, Noshin lève un coin du voile de son histoire. Il est bien le kami des Trois Rives. Il a décidé un jour de prendre forme et de s’incarner dans un homme. Il découvre le monde à travers les yeux de son hôte et ne semble pas pressé de retrouver son cycle originel.
A la confluence, nous constatons que la rivière change de lit et s’assèche par endroits. Ça ne semble pas émouvoir Noshin, ni le kami enchâssé dans son cœur. Kakera apparaît et s’entretient quelques minutes en privé avec Noshin, puis part sans nous adresser un au revoir. Je crois lire de la résignation et du dépit dans sa démarche. A moins que mon imagination ne me joue des tours.
Après deux jours de voyage, nous pénétrons de nouveau dans le territoire du clan de la Grue. Les moines de Shiro Daidoji sont ravis de retrouver le réconfort de leur Temple. Les moines survivants de Yaruki Jukko vont résider ici sous la protection de la Grue, jusqu’à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire.
Une fois arrivé à Kyuden Kakita, j’aide Shigeru-sama à rédiger une missive à Miya Yoto, la Voix de l’Empereur. Tous les faits sont détaillés avec soin, en prenant garde à ne faire aucune conclusion, hypothèse ou spéculation.
Kakita-sama honore la mémoire de Bayushi Kaseru en envoyant une tablette votive à sa famille. En son nom bien sûr, pas en sa qualité d’émissaire impérial.
Daidoji-san et moi allons passer une soirée agréable pour boire du saké et déguster quelques mets festifs. Notre petite aventure méritait bien d’être célébrée dignement.
Cela clos l’épisode de Kenson Gakka.
Comme vous l’aurez compris, honorable lecteur, c’est ainsi que furent plantées les graines d’un récit plus vaste. Nous ne le savions pas encore, mais ce n’étaient que les prémices de l’ultime chapitre de l’histoire de Miyakoshi, de la conjuration de Kinkaku et de l’héritage des fragments du vide.
つ づ く |
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